Patrick Chamoiseau à la Maison des Passages

Depuis l’ouverture de la Maison des Passages en 2006, nous avons régulièrement accueilli Patrick Chamoiseau. Chaque fois pour des rencontres exceptionnelles autour d’un livre, d’un atelier d’écriture, d’un film… Patrick Chamoiseau le marqueur de parole, le guerrier de l’imaginaire, celui qui nous appelle à « Changer radicalement nos systèmes de représentations, et donc, notre imaginaire du monde, changer d’échelle, aller à des refondations ».

Avec son dernier livre, La matière de l’absence, Patrick Chamoiseau aura attendu seize ans pour pouvoir parler de la mort de sa mère ; entre temps il aura vu disparaître en 2011 « le commandeur sublime » Édouard Glissant. Son livre est une méditation, une poétique du temps, ce grand sculpteur comme disait Marguerite Yourcenar. Entre ombres et lumières, invisible et visible, Patrick Chamoiseau sculpte avec patience, lucidité et flamboyance l’histoire de racines de notre monde. La matière de l’absence est un livre essentiel pour penser le temps présent. Livre dans lequel l’intensité et la densité de la réflexion donne à la phrase une somptuosité poétique.

Il y a dans La matière de l’absence, comme dans Ecrire en pays dominé (1997), deux livres frères, un réel enjeu de création littéraire. Patrick Chamoiseau montre une nouvelle fois qu’il est un des rares écrivains créateurs de la langue française. Il a fondé sa création sur l’enracinement de l’oralité dans ses écrits et sur ce que Milan Kundera -Une rencontre, éd. Gallimard, 2009 - a qualifié d’une « langue chamoisisé » : « il a pris la liberté d’un bilingue qui refuse de voir dans une de ses langues l’autorité absolue et qui trouve le courage de désobéir. Chamoiseau n’a pas fait un compromis entre le français et le créole en les mélangeant. Sa langue, c’est le français, bien que transformé ; non pas créolisé (aucun Martiniquais ne parle comme ça) mais chamoisisé ….il a surtout donné à son français la liberté de tournures inhabituelles, désinvoltes, « impossibles », la liberté des néolo-gismes : avec aisance, il transforme les adjectifs en substantifs (maxi¬malité, aveuglage), les verbes en adjectifs (éviteux), les adjectifs en adverbes (malement, inattendument), les verbes en substantifs (égorgette, raterie, émerveille, disparaisseur), les substantifs en verbes (horloger, riviérer), etc. Et sans que toutes ces transgressions mènent à une réduction de la richesse lexicale ou grammaticale du français (il ne manque ni les mots livresques ou archaïques ni l’imparfait du subjonctif).

Cette langue poétique, nous la retrouvons à chaque page dans La matière de l’absence.

Patrick Chamoiseau est l’auteur d’une quinzaine de romans, récits, nouvelles, également d’une quinzaine d’essais, de contes pour la jeunesse et des plusieurs scenarios de films. Il a obtenu en 1992 le Prix Goncourt, pour Texaco, en 1993 le Prix Carbet de la Caraïbe, pour Antan d’enfance, en 2002 le Prix Spécial du Jury RFO, pour Biblique des derniers gestes, en 2008 le Prix du Livre RFO, pour Un dimanche au cachot.

BIBLIOGRAPHIE

Romans, Récits, nouvelles :
• Chronique des sept misères. Paris : Gallimard, 1986.
• Solibo magnifique. Paris : Gallimard, 1988, 1991.
• Antan d’enfance. Paris : Hatier, 1990 ; Gallimard, 1993. Republié comme Une Enfance créole I, Antan d’enfance avec une nouvelle préface, Gallimard, 1996.
• Texaco. Paris : Gallimard, 1992, 1994.
• Chemin d’école. Paris : Gallimard, 1994. Republié comme Une Enfance créole II, Chemin d’école. Gallimard, 1996.
• L’Esclave vieil homme et le molosse. Paris : Gallimard, 1997.
• Biblique des derniers gestes. Paris : Gallimard, 2002.
• À Bout d’enfance. Paris : Gallimard, 2005. Republié comme Une Enfance créole III, À bout d’enfance, Gallimard, 2006.
• Un dimanche au cachot. Paris : Gallimard, 2007.
• Les Neuf Consciences du Malfini. Paris : Gallimard, 2009.
• Le déshumain grandiose. Coffret de deux volumes (L’esclave vieil homme et le molosse et Un dimanche au cachot), avec un livret De la mémoire obscure à la mémoire consciente. Paris : Gallimard, 2010.
• L’empreinte à Crusoé. Paris : Gallimard, 2012.
• Hypérion Victimaire, Martiniquais épouvantable. Paris : Éditions Labranche, 2013.
• La matière de l’absence. Paris : Seuil, 2016.
Essais :
• Eloge de la créolité (avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant). Paris : Gallimard, 1989, 1993.
• Lettres créoles. Tracées antillaises et continentales de la littérature : Haiti, Guadeloupe, Martinique, Guyane : 1635-1975. (avec Raphaël Confiant) Paris : Hatier, 1991.
• Martinique. (avec V. Renaudeau) Richer, 1994.
• Guyane : Traces-Mémoires du bagne. (avec des photographies de Rodolphe Hammadi) Paris : CNMHS (Caisse nationale des monuments historiques et des sites), 1994.
• Ecrire en pays dominé. Paris : Gallimard, 1997.
• Elmire des sept bonheurs : confidences d’un vieux travailleur de la distillerie Saint-Etienne (avec des photographies de Jean-Luc de Laguarigue). Paris : Gallimard, 1998.
• Livret des villes du deuxième monde. Paris : Patrimoine, 2002.
• Quand les murs tombent. L’identité nationale hors-la-loi ? (avec Édouard Glissant). Paris : Galaade, 2007.
• Les tremblements du monde ; écrire avec Patrick Chamoiseau (livre et DVD). Lyon : Maison des Passages /À plus d’un titre, 2009.
• L’intraitable beauté du monde. Adresse à Barack Obama (avec Édouard Glissant). Paris : Galaade, 2009.
• Césaire, Perse, Glissant, les liaisons magnétiques. Paris : Philippe Rey, 2013.
Contes :
• Manman Dlo contre la fée Carabosse, théâtre-conte. (texte et illustrations) Paris : Editions Caribéennes, 1982
• Emerveilles. Illustrations de Maure. Paris : Gallimard jeunesse, 1998.
• Le Commandeur d’une pluie, suivi de L’Accra de la richesse. Illustrations de William Wilson. Paris : Gallimard, 2002.
• Veilles et merveilles créoles ; contes du pays Martinique. Illustrations de Georgia Grippo Belfi. Paris : Le Square, 2013.
• Le papillon et la lumière. Illustrations d’Ianna Andréadis. Paris : Philippe Rey, 2011.
Bande-dessinée :
• Encyclomerveille d’un tueur, Tome 1 : L’orphelin de Cocoyer Grand-Bois. Texte de Patrick Chamoiseau, illustrations de Thierry Ségur. Paris : Delcourt, 2009.
Beaux Livres :
• Cases des îles Pays-mêlés. Photographies de Jean-Luc de Laguarigue, textes de Patrick Chamoiseau. Paris : Hazan, 2000.
• Métiers créoles : tracées de mélancolies. Photographies de Jean-Luc de Laguarigue, textes de Patrick Chamoiseau. Paris : Hazan, 2001.
• Les bois sacrés d’Hélénon (sur l’oeuvre de Serge Hélénon), par Dominique Berthet et Patrick Chamoiseau. Paris : Dapper, 2002.
• Le Bagne ; traces-mémoires du bagne. Photographies de Jean-Luc de Laguarigue, textes de Patrick Chamoiseau. Paris : Éditions Gang, 2011.